mercredi 7 juin 2023

Le portrait : une exploration de l'expression humaine

L'atelier du 18 juin 2023 aborde le portrait, comme exploration de l'expression humaine. Nous privilégierons les techniques monochromes : crayon, fusain, encre, lavis, sépia...  L'utilisation de l'encre noire ou sépia dans le portrait crée un contraste fort et permet de jouer avec les ombres et les lumières, ajoutant une dimension supplémentaire à l'expression des sujets. Nous nous baserons donc sur des photos, ou si quelque modèle s'y prête, sur le vif. 

le portrait à travers les âges

L'art du portrait est remonte à l'Antiquité et qui continue de fasciner les artistes et les spectateurs à ce jour. À travers les siècles, de nombreux artistes ont exploré le portrait, capturant l'essence de l'expression humaine de manière captivante.

Akhenaton, musée du Caire
Certes dans l'Antiquité, la figuration humaine reste très souvent symbolique et stéréotypé, l'artiste ne recherche pas à représenter l'individu dans sa spécificité mais plutôt sa fonction sociale, comme être humain, héroïque ou divin. Considérons par exemple l'art égyptien... seuls font exception des œuvres relevant de l'art amarnien, inspirés par le pharaon hérétique Akhenaton, comme le portrait de la reine Tiyi. le réalisme de l'art armanien constitue une rupture avec les canons de l'art égyptien classique.

Plus tardivement apparaissent les portraits funéraires de Fayoum datant du premier siècle de notre ère. Ils dénotent l'influence de l'art romain dans un contexte culturel égyptien. Ce sont les seuls spécimens de peinture sur bois qui subsistent de l'Antiquité et les portraits peints les plus anciens jamais découverts.

Les portraits funéraires du Fayoum étaient exécutés le plus souvent sur bois, mais parfois aussi sur une toile de lin, insérée dans la momie... le peintre utilisait la technique de l'encaustique, utilisant la cire d'abeille comme liant, mais parfois aussi la technique de la détrempe au jaune d'œuf, colle et résines. La palette de base était le rouge, blanc, noir et jaune.  Le réalisme et l'expressivité de cet art annonce l'art copte et même les icônes byzantines.

 

 

 

 

 

Il serait sans doute fastidieux de parcourir toute l'histoire de l'art occidental pour décrire l'évolution du portrait. Je ne peux que recommander l'excellent blog sur l'histoire de l'art figuratif (peinture). Quelques étapes essentielles peuvent être évoqués.

 

La Renaissance, et particulièrement la renaissance flamande, voit apparaitre des portraits individualisés, très détaillés, représentant souvent les commanditaires des peintures à thèmes religieux ou historiques. Ce sont des portraits exécutés pour eux-mêmes. Le portrait de profil, pratiqué dans toute l'Europe, est progressivement abandonné dès le 15e siècle, vers 1430, préférant le portrait au trois-quart. Position plus difficile d'exécution mais qui dévoile en volume l'anatomie du visage.

L'art du portrait évolue de concert avec les modifications de la société. La renaissance marque l'ère de l'humanisme, d'inspiration antique, qui place l'être humain au centre de la création. A la société féodale fait place une société marchande, pré-capitaliste, où les négociants acquiert le pouvoir qui était, jadis, réservé à la noblesse. Cette couche sociale sera demanderesse de portraits illustrant et glorifiant leur position sociale. D'autres part, la production artistique devient de plus individualisée, les grands maîtres ne seront plus des artisans anonymes, même si leur atelier devient une entreprises regroupant des dizaines d'apprentis et de collaborateur. Le nom et la signature du maître deviendra la marque de fabrique : il en est ainsi des des Michel-Ange, Rubens, des Rembrandt... L'art du portrait s'en trouvera renforcé et l'approche du modèle visera de plus en plus à traduire la psychologie du personnage à travers l'expression et les détails qui trahissent son rapport au monde. L'autoportrait apparait aussi. En témoignent les autoportraits célèbres de Rembrandt.

Pierre Paul Rubens, Quatre études de la tête d'un Maure


Frans Hals


L'époque baroque rompt avec l'austérité des portraits du 17e siècle, à la pose solennelle, contemporains de la réforme, et des guerres de religion. Les figures deviennent enjouées, intimistes et exprime avec sensualité la joie de vivre. Mais dès la révolution française, on renoue avec la rigueur du néo-classicisme. Les romantiques s'adonneront volontiers au portrait, soucieux à la fois de réalisme et de psychologie. On cherchera à rendre compte de la profondeur de l'âme, et parfois, des tourments intérieurs.

 

 

 

 

 

Courbet, le désespéré

Mais c'est au 19e siècle que l'on assiste à une révolution dans l'art du portrait : la photographie change radicalement la donne en se substituant à la peinture pour répondre à la demande de portraits par une couche sociale de plus en plus large et populaire. Le langage pictural éclate en champs d'expérimentation divers, rompant avec le classicisme académique. L'impressionnisme s'attache plus au paysage qu'au portrait, encore que l'on voit chez Renoir ou chez Degas, de beaux exemples. La vision tourmentée d'un Van Gogh annonce l'expressionnisme et une utilisation délibérément outrancière de la couleur que l'on constatera chez les fauvistes. 



Au 20e siècle, l'art du portrait se dégage radicalement du vérisme. La photographie a joué son rôle de substitut à la peinture. Le rapport entre l'art et le réel se modifie radicalement, d'une part on recherchera dans l'expérimentation formaliste un langage plastique novateur, d'autre part on interroge de manière critique la vision réaliste du monde. Le cubisme déstructure et reconstruit le modèle, le surréalisme laisse libre cours à l'imaginaire, voire à l'absurde, à l'opposé le réalisme aborde frontalement les questions sociales, représentant, au delà des apparences, la réalité conflictuelle des rapports sociaux. Guerres et révolutions ont passé par là, et l'art ne se pense désormais qu'en terme de rupture et d'avant-gardisme. 

 

 

 

L'ère coloniale a favorisé la confrontation avec les arts non-occidentaux, en particulier avec l'art africain. On en retrouve dès traces chez Picasso qui adopte, dans la représentation cubiste des visages, un point de vue multipliant et juxtaposant des perspectives contradictoires : face et profil recomposent le visage. Il en vient dans d'autres œuvres à déstructurer totalement le personnage comme dans "la femme qui pleure".



Francis Bacon, Three Studies For Portrait of Lucian Freud

Lucian Freud, portrait de Bacon

On ne pourra conclure sur le portrait au 20e siècle sans évoquer trois artistes majeurs : Francis Bacon, Lucian Freud et Giacometti. Issu du surréalisme, Bacon s'engage dans un expressionnisme cru, décortiquant ses personnages avec une violence extrême, qui fait écho d'ailleurs au caractère tumultueux et transgressif de ses amitiés. Il rivalise avec Lucian Freud par la réalisation de portraits croisés, Bacon traitant Freud et Freud peignant Bacon. Freud met lui aussi la chair à nu, mais en adoptant une facture naturaliste, à matière épaisse, dévoilant sans fard ce que le corps subit au cours du temps. 
 
Lucian Freud, autoportrait

 







 


Giacometti transforme ses modèles en personnages hiératiques dégagés de tout contexte biographique. Le pinceau se concentre ici sur le visage, seule expression de l'âme, tandis que le reste du décor se limite à de simples esquisses encadrant le sujet. Les poses sont longues, répétées. L'artiste fouille et détaille les traits pour restituer dans les traits et l'expression, ce qui fait du modèle un être unique, irréductible et insaisissable.

Ces exemples ne sont naturellement pas exhaustifs, ils témoignent de la diversité des styles et des approches. 

Dans l'article suivant, on traitera de la pratique du portrait, proposant quelques exercices et donnant l'une ou l'autre indication technique.


 







 

 

 

 

 

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