lundi 10 mars 2025

le corps en mouvement

Il y a un réel challenge dans la pratique des arts plastiques. L'artiste doit saisir le vif et le restituer sous une forme figée. Comment rendre le mouvement, le devenir, la vie dans un dessin ou une peinture ? Notre atelier de mars (le 16 mars 2025 à 14h30 au Bia bouquet) abordera ce problème. Nous nous exercerons à esquisser, dessiner ou peintre des personnages en mouvement, à partir de photos - pour commencer - puis de vidéos. Rien n'empêchera par la suite de croquer sur le vif.

des grottes Chauvet au futurisme

Remontons 30.000 ans en arrière, dans une grotte des chasseurs-cueilleurs peignent sur les parois des silhouettes animées, elles représentent des mammouths, des aurochs, des félins, des chevaux, des ours. Parmi ces peintures, en des sites bien déterminés, des signes abstraits, des mains réalisées au pochoir, des lignes, des points... cette grotte se trouve en Ardèche, c'est la grotte Chauvet, découverte 1994, elle est un chef-d'œuvre de l'art préhistorique. Sur une des parois, un frise représente des chevaux, chaque tête de cheval est positionnée de manière différente. D'autres grottes présentent des frises semblables. Les animaux, bisons, chevaux, ou cervidés semblent courir, leur mouvement est décomposé en esquisses superposées, ou, dans d'autres cas, en séquences juxtaposées. Dans un ouvrage qui fit sensation, Marc Azema, archéologue spécialiste de l'art préhistorique, analyse dans le détail la maîtrise du mouvement par les artistes du paléolithique. Pour lui, l'art pariétal était quasi cinématographique. La lueur vacillante des torches amplifiait ces effets sur ces peintures exécutées sur des reliefs dont l'irrégularité est parfois sciemment exploitée.

Nous sommes dans les années 1920, le monde a connu une apocalypse de bruit, de fureur et de sang, l'industrie se relance, la technique est toute-puissante, le progrès avance à pas cadencé, préparant d'autres apocalypses...  des artistes italiens chantent un hymne passionné à cet avenir de métal et d'électricité, ce sont les Futuristes - Luigi Russolo, Carlo Carrà, Filippo Tommaso Marinetti, Umberto Boccioni et Gino Severini - ils sont écrivains, poètes, cinéastes, peintres, et surtout pamphlétistes, car c'est le monde ancien qu'ils veulent détruite, quitte à brûler les bibliothèques, quitte à se laisser séduire par les promesses du fascisme. Leur idéal : la vitesse, la force, le dynamisme, la machine, le progrès, la guerre... mieux que d'autres, les peintres futuristes représentent le mouvement, la vitesse, les vibrations hallucinantes d'un cauchemar électrique. 
 
 
 
En 1888, Etienne-Jules Marey invente la chronophotographie, décomposant le mouvement en instants successifs capté par un appareil photographique spécialement conçu. Les recherches photographiques sur la dynamique du mouvement avaient déjà débuté avec les travaux de Eadweard Muybridge, qui, en utilisant plusieurs appareils photos successivement déclenchés réussit à analyser correctement le gallop d'un cheval. Marey n'utilisait qu'un appareil unique, préfigurant le cinématographe. Zootropes, phénakistiscopes, et autres dispositifs permettaient de restituer le mouvement...le cinématographe sera l'accomplissement de ces travaux. Ces recherches photographiques aura un impact immense sur les arts plastiques, d'une part, parce qu'elles permettent une décomposition précise des mouvements les plus complexes, d'autre part, parce qu'elles inspirent des formes artistiques inédites
 
Le dadaïste Marcel Duchamp ne se contente pas d'exposer un urinoir, il expérimente, à la manière des futuristes, la technique de superposition d'image dans son "Nu descendant un escalier". Le résultat est saisissant. Le thème sera répété à mainte reprise. On peut y voir un hommage explicite aux travaux de Marey et de Muybridge. C'est aussi l'expression d'une vision neuve de la réalité, où temps et espace sont fragmentés et séquencés. 

Retour en Italie, Giacomo Balla peint une "cinétique du teckel à poil ras"...utilisant le même procédé, mais ce qui nous est rendu est la dissolution des corps et des objets dans un flux quasi continu. La décomposition est poussée à l'infini, l'oeil ne peut plus suivre les étapes du mouvement, dans cette superposition des battements de queue, des oscillations de la laisse, et de la cadence de la marche... 

Ces futuristes qui ne juraient que par l'avenir technicien retrouvaient, sans le savoir, un procédé utilisé, exceptionnellement sans doute, dès la préhistoire...en témoigne cette gravure paléolithique de ce bouquetin aux pattes frétillantes





Figer le mouvement ?

Saisir la permanence dans un monde en perpétuel changement, identifier l'être dans la multiplicité des apparences, penser le mouvement, l'espace et le temps...ces questions philosophiques furent ouvertes dès l'antiquité...on pourra opposer Parménide, penseur de l'identité et de l'unicité de l'Etre, à Héraclite, penseur du devenir et des transformations. L'artiste devra composer avec ces paradoxes. Le sculpteur qui exprime dans le marbre la tension qui anime l'athlète à l'instant où il accompli son exploit - pensons au Discobole de Myron - affronte ce paradoxe. C'est dans une maîtrise absolue de l'anatomie, des articulations, des gestes qu'il trouvera la réponse. 

 

 

 

 

 

Le dynamisme du mouvement est rendu par le "contraposto". Le corps adopte une posture qui rompt l'immobilité, s'appuie sur une jambe, l'autre jambe se libère et prêt à la marche, à l'élancement. Le reste du corps suit, toute la musculature,  torse,  jambes, bras,  revit. Ce déhanchement que l'on retrouve dans la statuaire classique depuis Polyclète confère à la statue un vitalité que n'exprimaient pas les poses hiératiques de la statuaire préclassique. 








L'étude de l'anatomie du corps est essentielle a qui veut reproduire le mouvement. Les articulations ne permettent pas n'importe quelle position, la structure squelettique, la colonne vertébrale, le torse, les chaines musculaires assurent la cohérence du corps en mouvement. Sport et danse sont être des sources d'inspiration précieuses pour l'étude du mouvement. Dans cette frise, destinée à une poterie grecque, le phrasé musical est transcrit dans la succession des corps où les diagonales se répondent en de multiples parallèles.

 
 
On retrouve chez le street-artiste  Jérôme Mesnager une telle frise. Remarquez la réduction des corps à leurs principales masses musculaires, Quelques coups de brosse suffisent à exprimer une vitalité quelque peu ironique et provocante.
 


    Conseils d'artistes

On peut en venir à ces méthodes d'apprentissage pour débutants. On esquisse d'abord le corps en forme géométriques simples, puis progressivement on affine le dessin, ajoutant détails après détails, en s'appuyant sur une observation minutieuse du modèle.

L'idée générale ici est de partir du squelette pour le revêtir par la suite de ses muscles et enfin habiller ce corps pour lui donner vie. 
Il faudra porter son attention sur les proportions, mais aussi sur les articulations et les mouvements qu'elles permettent.
 
des notions d'anatomie artistique sont donc un prérequis. 
 
le site "un autre atelier" (apprentissage en ligne du dessin) diffuse une liste d'ouvrages d'anatomie artistique, certains de ces livres sont disponibles en ligne.

Conseils Techniques pour Dessinateurs et Peintres (par IA deepseek) :

  1. Apprivoiser le Croquis de Mouvement

    • Exercice : Dessinez des poses rapides (30 secondes à 2 minutes) pour capturer l’essence du geste plutôt que les détails.
    • Outils : Utilisez un fusain ou un crayon gras pour des traits fluides et expressifs.
  2. Jouer avec les Lignes et les Formes

    • Lignes dynamiques : Des traits obliques ou en spirale guident le regard et suggèrent le mouvement (exemple : les drapés tournoyants de Rubens).
    • Distorsion : Exagérez certaines parties du corps (allongez un bras, courbez une colonne vertébrale) pour renforcer l’effet cinétique.
  3. Intégrer le Flou et la Superposition

    • En peinture, utilisez des effets de flou (sfumato) ou superposez des images successives (comme dans les photomontages de Muybridge) pour évoquer le temps.
  4. Travaillez la Composition

    • Placez le sujet en diagonale ou en dehors du cadre pour créer une tension visuelle.
    • Utilisez des éléments contextuels (un vêtement flottant, une ombre projetée) pour accentuer le dynamisme.
  5. Explorer la Couleur et la Lumière

    • Des contrastes vifs ou des dégradés doux  peuvent amplifier l’émotion liée au mouvement.

     

    Que vous soyez débutant·e ou confirmé·e, cet atelier vous propose d’explorer le corps en mouvement à travers des exercices guidés, des analyses d’œuvres majeures et des techniques innovantes. Apprenez à libérer votre trait, à oser l’imperfection et à raconter des histoires en mouvement.

    RDV le 16 mars 2025, 14h30 au Bia Bouquet (Forest) – Prévoyez carnets, crayons et envie de bouger !


    compléments :

    https://line-of-action.com/practice-tools : ce site propose des exercices de dessin sur modèle vivant (photos), nu ou habillé.

    youtube : draw this : propose des exercices de dessin sur modèle, poses rapides

    youtube : GESture draw party propose des modèles dans des poses très dynamiques. Intéressant pour ceux qui s'initient au croquis style BD 

    Pose maniac : ce site japonais propose des modèles (en image de synthèse) représentant des écorchés dans des poses dynamiques et variée. L'angle de vue peut être modifié. Intéressant pour l'étude de l'anatomie artistique.

    Quickpose : propose une sélection de modèles. Poses rapides ou lentes. Modèles masculins ou féminins, dans des postures diverses.













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