mardi 25 janvier 2022

20 février 2022 - l'art de composer

Ce dimanche 20 février, notre atelier sera consacré à la composition en dessin et peinture (et accessoirement en photo). Nous en présentons ici les principes, rattachés à l'histoire de la peinture et suggérons quelques pistes de travail. 

L'Atelier aura lieu le 20 février à 14h30 au 5 rue de l'Imprimerie, à Forest. La participation est gratuite, apportez votre petit matériel de dessin ou peinture (travail sur papier). Comme nous ne serons pas débarrassés du virus à la mode, venez masqué-e-s et tenez compte des règles d'hygiène en vigueur. 

la composition en peinture

la composition est l'art de disposer les lignes, les formes, les couleurs dans l'espace du tableau de manière soit à atteindre un idéal conventionnel de beauté, soit à signifier ce qu'on veut exprimer.

Autrement dit, c'est un art de disposer les éléments du tableau selon les axes verticaux et horizontaux et selon les diagonales.

Prenons comme exemple cet Ascension du Christ avec Sainte Agnès et Sainte Hélène, tableau de Giovanni Battista Naldini (1537 - 1591). 

Nous notons de suite qu'une verticale, centrale, souligne l'ascension christique...et relie le monde terrestre au monde céleste, dont la frontière est soulignée par une horizontale au milieu du tableau. 

On remarque aisément que les personnages sont disposés symétriquement et constituent un triangle, auquel répond le triangle formé par les anges. On note aussi l'opposition entre le cercle (céleste) et le carré (terrestre). Cette composition très académique (et même un peu artificielle) vise à signifier (et souligner) le message religieux. La symétrie que l'on observe souvent dans ce type de composition renforce cette impression hiératique.

En art occidental des principes récurrents sont appliqués en peinture, ils tiennent lieu de règles académiques qui trouvent leur origine dans l'art et l'architecture grecque antique.

un nombre bien particulier

Euclide (vers 300 avant notre ère) définit dans ses Eléments une proportion très particulière : "Une droite est dite coupée en extrême et moyenne raison quand, comme elle est tout entière relativement au plus grand segment, ainsi est le plus grand relativement au plus petit". On retrouve cette proportion dans la construction du pentagone. Cette proportion peut être calculée et chiffrée, elle définit le nombre d'or, symbolisé par la lettre grecque phi φ.
On a φ = (1+√5)/2 soit environ 1,618...

On a énormément glosé sur ce nombre qui définit une proportion jugée la plus harmonieuse. Certains pensent le retrouver dans diverses formes naturelles, les proportions du corps humain, ou du visage, des spirales formées par la croissance de coquillages ou de plantes... Quoiqu'il en soit, étudié par les mathématiciens depuis l'antiquité et repris par les artistes de la renaissance, le nombre d'or devient une norme esthétique et se retrouve dans la plupart des créations artistiques occidentales.

La construction géométrique de la proportion dorée est très simple. En dessin ou peinture on peut effectuer la construction suivante : à partir du segment b on construit un carré. A partir du milieu de la base dudit carré on trace la diagonale en pointillé, que l'on rabat sur la droite prolongeant la base du carré, de manière à former la base du rectangle d'or. .... 

Une autre construction est utilisée, celle de "la porte d'Harmonie", popularisée par Paul Sérusier en 1921. Elle n'aboutit pas à la proportion dorée mais au rapport b/a égal à la racine carrée de 2 (1,414...). C'est la diagonale du carré qui est rabattue... Exemple appliqué par Piero della Francesca :



Ce format est d'ailleurs utilisé dans l'industrie papetière (les format A0, A1, ...A4 etc... ou les formats B0 etc... répondent à cette proportion). On trouvera sur wikipedia les formats de papier, qui varient selon les pays et le domaine d'application,  

Souvent, les toiles pour artiste sont vendues dans des formats standard : 20x30, 40x50 etc... mais en France, les mesures sont différentes. Les formats se répartissent selon trois catégories : paysage, marine, portrait et les dimensions de la longueur est mesurée en "points" (1 point = 2,5 cm env). Ces mesures servent à la la tarification des commandes en peinture... par exemple une toile de 40 points va mesurer en longueur 100 cm et en hauteur 81 cm pour le format figure, 73 cm pour le paysage et 65 cm pour le format marine. Grosso modo (car il faut tenir compte des paramétrages des machines industrielles) une format paysage est construit sur la "porte d'harmonie" (proportion 1,14) et le format marine se rapprochera de la proportion dorée (proportion 1,6), le format figure est un double rectangle d'or. On trouve facilement sur le net les tables reprenant ces données

Diagonales et lignes de force

Pour résumer, le peintre devra donc composer son tableau dans une surface rectangulaire (généralement, du moins) vierge...on pourrait croire que tous les points de cette surface sont équivalents, il n'en est cependant rien. Le rectangle a une structure interne que l'on peut dévoiler en traçant diverses diagonales... on aboutit à ceci :



En étudiant la composition de nombreuses œuvres classiques on constatera que le tableau est souvent structuré suivant ces lignes de force.

L'exemple suivant est paradigmatique : "L'assassinat de Marat" peint en 1880 par Jean Joseph Weerts illustre l'indignation populaire face au meurtre perpétré par Charlotte Corday. L'approche est romantique, chargée d'émotion (à comparer avec le tableau célèbre de David) et sans doute excessivement théâtral. Lorsqu'on superpose le schéma ci-dessus avec le tableau, on constatera que le peintre a, certainement consciemment, appliqué ces règles de composition.


L'espace pictural est divisé verticalement en deux : à gauche, la scène du crime, à droite l'irruption populaire. Weerts a construit une série de diagonale convergentes vers la gauche, vers Charlotte Corday, acculée. Les mains se dressent et désignent le visage criminel. Les regards s'orientent vers le cœur de Corday. Je dépouille quelque peu le schéma pour souligner les aspects essentiels de la composition.



A cette composition très académique (le respect des règles me semble ici un peu forcé) on peut opposer celle de "la mort de Marat" par J.-L. David. Ce tableau est foncièrement construit sur la proportion dorée. Les droits horizontales et verticales blanches et jaunes divisent le cadre selon le nombre d'or. Les diagonales sont construites sur cette base. On notera la position de la main, la lettre et l'encrier sur l'intersection, sur que l'on pourra appeler un "point chaud" de l'espace pictural. la main droite affaissée tient la plume, mais celle ci ébauche une droite menant vers l'encrier et la missive : la relation est établie.


la spirale d'or et Fibonacci

Restons avec Marat et Charlotte et examinons cette lithographie de Valerio Adami, "la mort de Marat".

Sa construction est très proche de celle du tableau de J.L. David : même usage de la proportion dorée. Mais ce qui apparaît ici est un ensemble de courbes, qui constituent une spirale dont l'origine est la poitrine du défunt et se termine sur le visage de - je suppose - Charlotte Corday.

 

La "Spirale d'or" est une spirale dont le facteur de croissance est précisément le nombre d'or. 

A ce propos on peut se référer à Fibonacci. Ce mathématicien italien a étudié une suite remarquable de nombres entiers dans laquelle chaque terme est la somme des deux termes qui le précèdent : 0,1,1,2,3,5,8,13,21,34,55 etc...  on peut construire géométriquement cette suite sur laquelle on peut superposer la spirale d'or. En fait la coïncidence est approximative : on peut calculer le rapport, dans la suite de Fibonacci, entre deux nombres successifs pour constater que plus on s'avance dans la suite, plus ce rapport se rapproche de la proportion dorée 1,618... La construction en spirale est souvent utilisée en peinture.


Composer un tableau

Seule une pratique soutenue permettra de progresser dans la composition. Il n'y a pas de règles strictes, mais des pratiques récurrentes dans l'histoire de l'art. De plus les règles peuvent être délibérément transgressées. Cependant, on constate que les œuvres les plus marquantes y reviennent, peut-être parce que le nombre d'or se décèle souvent dans la nature. Rien d'étonnant si l'on considère, par exemple, que la suite de Fibonacci a été découverte à la suite d'une modélisation mathématique de la croissance démographique des lapins. La fameuse spirale se retrouve dans la croissance des nautiles, de la formation des vagues, dans la structure des végétaux... 

Etudier les œuvres d'art, découvrir leurs secrets de composition, décoder l'intention artistique sous-jacente est un exercice indispensable à l'artiste.

Bibliographie :

un texte majeur, malheureusement non réédité est celui de Charles Bouleau, "Charpentes, la géométrie secrète des peintres", éd Le Seuil, 1963 - on le trouve en version pdf (6,99 €) chez Numilog ; on peut aussi le trouver à la bibliothèque communale d'Anderlecht.

Sur le net :

Wikipedia : les Règles de composition en peinture occidentale

par Elena Kuznetsova : la composition en peinture

par Florence : Composition en peinture  : comment rendre ses tableaux plus attractifs

Dans le prochain article nous proposerons quelques idées de travail pour notre prochain atelier.

 

 

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